Plus loin, une abbaye antique, abandonnée, Tout-à-coup s' offre aux yeux de bois environnée. Quel silence! C' est là qu' amante du désert La méditation avec plaisir se perd Sous ces portiques saints, où des vierges austères, Jadis, comme ces feux, ces lampes solitaires Dont les mornes clartés veillent dans le saint lieu, Pâles, veilloient, brûloient, se consumoient pour Dieu. Le saint recueillement, la paisible innocence Semble encor de ces lieux habiter le silence.
La mousse de ces murs, ce dôme, cette tour, Les arcs de ce long cloître impénétrable au jour, Les degrés de l' autel usés par la prière, Ces noirs vitraux, ce sombre et profond sanctuaire Où peut-être des coeurs en secret malheureux À l' inflexible autel se plaignoient de leurs noeuds, Et pour des souvenirs encor trop pleins de charmes, À la religion déroboient quelques larmes; Tout parle, tout émeut dans ce séjour sacré. Là, dans la solitude en rêvant égaré, Quelquefois vous croirez, au déclin d' un jour sombre, D' une Héloïse en pleurs entendre gémir l' ombre.